0. Introduction
La Turquie s’est retrouvée face à la notion de “gouvernance” - notion était déjà présente dans les activités et partiellement dans les études académiques – en 2002.* Dans les années 90, les projets internationaux de développement durable renfermaient également la notion de “gouvernance”, celle-ci comprenant les organisations de communautés civiles, l’autorité publique et le secteur privé. Il est à noter que par l’intermédiaire d’organisations de communautés civiles, le peuple a pu enfin participer à l’administration publique et il a pu se faire entendre.
Dans cette optique, il est indéniable que dans les administrations locales où la culture de la démocratie est en jeu, la participation active du peuple à l’administration est désormais prioritaire conformément aux principes de la gouvernance. Dans ce processus de transformation globale, les administrations locales se sont vues obligées d’informer le public de leurs activités. C’est pourquoi, elles ont dû s’orienter davantage vers des activités basées sur “l’intercommunication” effectuée entre le peuple et l’administration locale.
Il s’agit en fait de la communication publicitaire qui se place au premier rang des activités communicationnelles des administrations locales. C’est dans cette visée que nous avons tenté d’analyser les affiches publicitaires de la Mairie d’Istanbul pour en déterminer d’une part sa conception administrative et d’autre part le discours qu’elle transmet via les affiches.
1. Corpus et méthode d’analyse
Chaque opération de description ou d’analyse synchronique[1] exige un objet d’étude bien limité et une méthode apte à analyser cet objet. Ainsi, “toute description sera acceptable à condition qu’elle soit cohérente, c’est-à-dire qu’elle soit faite d’un point de vue déterminé”[2] et chaque corpus à analyser découle d’un choix spécifique. Les segmentations au nombre suffisant susceptibles de représenter l’univers d’étude adéquates à la description exhaustive et recueillies de manière synchronique constituent le corpus, une fois constitué, étant considéré comme intangible[3].
Dans ce contexte le sémioticien possède comme objet d’étude un certain corpus[4] qui fonctionnerait en tant que base de données, et il passe ensuite à la description afin de déterminer le discours composé par ce faisceau de faits segmentés suivant la situation de communication et un laps de temps statique et limité. Par conséquent, le discours à caractère commun et spécifique peut être pris comme corpus, -qui de son côté est un outil de prime importance permettant de saisir les tendances de notre ère et de notre société- et ainsi peut être décrit et analysé par la méthode sémiotique[5].
1.1. Choix du corpus
Notre corpus comprend 60 affiches publicitaires composées et placées sur le mobilier urbain[6] (billboards, arrêts de bus, etc,...) entre 2000 et 2002 des six sociétés[7] liées au Bureau de Développement et de Ressources et de Participations (Kaynak Gelistirme ve Istirakler Dairesi) au sein de la Mairie d’Istanbul.
Il s’agit de sociétés anonymes[8], dont l’administration est autonome, qui élargit sa gamme de services suivant les besoins croissants du peuple istanbuliote. Ces sociétés exercent d’une part leurs propres activités publicitaires; d’autre part, elles modèlent directement l’identité institutionnelle de la Mairie d’Istanbul.
1.2. Cadre méthodologique
“La publicité n’est pas que communication; elle est surtout influence”[9]. Tout message publicitaire est un ensemble de signes manipulant les sentiments du public visé. Dans ce contexte, analyser les messages visuels de l’image fixe, c’est de déterminer les significations renfermées dans l’univers dynamique des signes.
Pour saisir le fonctionnement du message publicitaire, il faut sans aucun doute analyser le système des signes fondateurs du message en question. En d’autres termes, notre méthode d’analyse est l’analyse sémiotique qui se donne pour tâche de décrire “la vie des signes au sein de la vie sociale”[10], c’est-à-dire de décrire chaque signe en tant que “démontrant autre chose que soi car susceptible de remplacer cette autre chose”[11].
Adopter l’analyse sémiotique permet ainsi d’étudier la culture du point de vue de la communication[12]; ce qui permet également d’élucider la signification encodée dans un certain contexte et dans un certain saisi culturels. Il s’agit par conséquent d’adopter une certaine approche sémiotique mettant au jour les structures sémantiques au niveau du contenu.
“(...) simplicité dans le visuel et le message, force visuelle pour ressortir de la grisaille bariolée qu’est la rue, science de l’échelle visuelle pour savoir construire notre machine-à-guider-les-perceptions quelle que soit la distance (...)”[13], tels sont les mots-clés de la création de l’affiche. Dans cette perspective, notre analyse s’effectue à 4 niveaux et porte sur les soixante affiches composant notre corpus[14]:
- préambule et approche intuitive: on énuméra à ce niveau les unités structurales visuelles et linguistiques qui constituent l’affiche et on reflétera les premières impressions et réactions après le premier coup d’oeil, après le premier regard[15].
- message visuel: le plan du message visuel que nous avons segmenté en tant que l’un des deux niveaux d’analyse de l’affiche est formé d’éléments iconographiques. Notre but est d’expliciter les référents[16] dénotatifs et connotatifs de dits-éléments en relations réciproques, et ceci d’une manière tout-à-fait objective et impartiale.
- message linguistique: le plan du message linguistique, l’un des deux niveaux de notre analyse, portera sur la description des signes linguistiques tels que l’énoncé, la phrase, le texte en relations réciproques; et aura pour tâche d’expliciter les référents dénotatifs et connotatifs; analyse à caractère tout-à-fait objective et impartiale.
- synthèse: il s’agit à ce niveau d’aboutir à la déduction générale suite à la description et à l’évaluation.
Cette méthode d’analyse effectuée pour chacune des 60 affiches, regroupera en elle-même les synthèses recueillies; ce qui nous permettra de conclure sur les caractéristiques des messages publicitaires de la Mairie d’Istanbul.
2. Analyse
2.1. Analyse des signes communs
Avant de passer, à titre d’exemples, à l’analyse des 3 affiches publicitaires; nous considérons utile de préciser que deux signes visuels et linguistiques figurent dans la plupart des affiches, le slogan-porteur et le logo[17] transmettant le “discours-focus”.
2.1.1. Slogan porteur
Il a été observé que le syntagme “La Mairie[18] fonctionne...” figurait sur chaque message publicitaire quelque soit le moyen de transmission (document divers: la presse écrite, le hors-média, la communication institutionnelle...); les trois points de suspension renforçait en effet le monème verbal nu “fonctionne” reflété par le dit-syntagme. Ainsi, l’idée que la Mairie ne cesse de travailler que pour son public sous-entend des centaines de projets qu’elle a déjà mis en oeuvre et qu’elle promet de réaliser[19]. Il est à noter que la dimension et la couleur du slogan-porteur change en fonction de l’espace de l’affiche publicitaire sur lequel il doit figurer. Nous ne pouvons pas parler d’une standardisation quant au format du slogan-porteur; néanmoins à travers ce message nous comprenons que la Mairie est prête à assumer tous les projets à venir esquissés par toutes les sociétés qui lui sont dépendantes; ne serait-ce sa promesse.
Finalement, le slogan-porteur, par la place qu’il occupe sur l’affiche est perçu directement; il oriente le thème de l’affiche vers la Mairie ; il permet de focaliser l’attention sur la Mairie également et présente un message global présumant que la Mairie est en réalité “auteur” de tous les services publics en ville. Cette idée est d’ailleurs visualisée par le design du slogan-porteur: lettres blanches sur fond marbre marron, d’où signe de robustesse, de sériosité et de noblesse.
2.1.2. Logo
Le logo est composé d’un emblème qui à première vue ressemble à une mosquée et d’une partie graphémique[20] où le nom de la Mairie figure en lettres blanches capitales, le tout sur une bande horizontale de couleur bleue.
Nous remarquons que le logo assumant la fonction d’identité de marque occupe une place importante sur toutes les affiches: elle est visible et lisible au premier coup d’oeil grâce également aux caractéristiques des graphèmes: extra-gras et large comme un socle qui porterait tout le message.
L’emblème transmet trois référents:
1. L’historicité de la ville, une ville historique, une ville turco-ottomane par l’intermédiaire du symbôle traditionnel de la mosquée à 4 minarets et 4 coupoles.
2. Deux murailles qui arc-boutent chacun deux coupoles; tout un héritage culturel immense y est stylisé.
3. Sept triangles de couleur blanche qui représentent les 7 collines sur lesquelles Istanbul est situé.
Ainsi le slogan-porteur placé en haut à gauche et le logo, tout au long en bas de l’affiche encadrent bien le message et renvoient à la Mairie et ils sont placés conformément à la lecture Z de l’image: “l’oeil effectue un itinéraire qui part du point supérieur gauche puis balaie la surface de haut en bas et de gauche à droite”[21].
2.2. Analyse de trois affiches
2.2.1. BELTUR
◦ Préambule et approche intuitive: L’affiche est composée d’une image photographique, d’un slogan, d’une légende et de logos. Elle reflète le domaine d’activités de la société BELTUR.
◦ Message visuel: Les kiosques transposés munis de leurs détails architecturaux et prêts à être servis sur un plateau forment le thème principal du signe iconographique. Un verre plein de jus d’orange qui surgit du centre des kiosques et la main qui tient le bas du plateau accentuent la fonction assumée par le plateau lui-même.
Sur le plan dénotatif le “plateau” est un matériel qui permet de porter un ensemble de verres, de plats, de mets. Mais à part le sens dénotatif, l’affiche renferme également le sens connotatif du “plateau”: il s’agit d’offrir, un acte hospitalier renforcé par la position des doigts et de la main sous le plateau. L’attrait de l’image et du message visuel est assuré par le contenu du plateau qui s’unit avec le slogan. Ce qu’on demande au public c’est de s’approprier des kiosques comme s’ils leur appartenaient, message visuel qui va de pair avec celui linguistique transmis par la transformation au niveau de la fonction du plateau.
D’autre part, si nous regardons l’affiche de bien loin, nous avons l’impression que sur fond couleur claire, il s’agit d’un arbre séculaire, un arbre qui date des siècles et qui témoigne donc de l’historicité de la ville d’Istanbul. Ce témoignage est-il renforcé par la présence des kiosques qui datent eux aussi au moins d’une centaine d’années. Tous les signes renvoient finalement comme on pouvait s’y attendre, aux référents “solidité”, “robustesse” et “perpétuité”.
La présence du verre plein de jus d’orange pluralise le menu parmi lequel on peut choisir ce que l’on désire manger et boire. La présence du verre n’est pas fortuite car elle symbolise d’un côté l’idéologie de la Mairie qui préfère offrir à son public des boissons non-alcoolisées et d’un autre côté l’appétit -couleur orangée utilisée surtout dans les restaurants. La position de la main est également à remarquer car elle symbolise à son tour l’élégance; donc dans un de ces kiosques, le public se sentira privilégié du service de haute qualité qui lui sera offert et il prendra sans aucun doute plaisir de s’y être. En outre, les référents d’“élégance” et de “privilège” sont doublés sémantiquement par la tenue du garçon qui tient le plateau: chemisier blanc à manches longues et veston.
Finalement, le message visuel qui centralise les kiosques d’Istanbul permet au lecteur de saisir la différence entre ce qui est un simple bâtiment (un restaurant, un bistrot, un prêt-à-manger...) et une “maison” de haut rang qui, en réalité, est figure de “culture kiosquale”.
En dernier lieu, au plaisir, à l’élégance et au sentiment d’être privilégié ressenti par le public consommateur s’ajoute un autre référent; celui de “facilité de paiement”. Les figures des cartes de crédits au bas de l’affiche renvoient également aux référents cités ci-dessus.
◦ Message linguistique: Le slogan “ces kiosques sont les vôtres...” est d’une part le titre du message iconographique et d’autre part la justification linguistique du message visuel. Le slogan en renfermant des référents tels que l’hospitalité et l’amitié, offre toutes les beautés imaginables dans ces kiosques “au service” des clients: ainsi, le concept “ à votre service – à votre disposition” y est reflété tant par le message visuel que par le message linguistique. L’adjectif démonstratif “bu” (“ces”) exprime en réalité la totalité des kiosques et peut être pris comme l’adjectif indéfini “tous”. Ce qui revient à dire:
ces kiosques = tous les kiosques,
non seulement ceux que Beltur vous offre mais aussi tous ceux que la Mairie d’Istanbul met à la disposition de son public.
Le plaisir et le privilège de pouvoir vivre dans ces kiosques et toutes les beautés auxquelles on peut s’attendre est sous-entendu grâce aux trois points de suspension.
Les léxèmes “restoran & kafeterya” (restaurant & cafétéria) considérés comme “accroche” désigne la possibilité qu’a le public de choisir parmi ces kiosques et dans ces kiosques le choix est multiple: self-service, service à table, en outre choix du menu, etc...
Il est intéressant de remarquer que sur le plateau “sept” kiosques sont placés avec chacun, au-dessous leurs noms et leurs coordonnées. Ainsi, le lecteur-consommateur n’a nullement besoin d’aller chercher ailleurs puisque tout est indiqué sur l’affiche: une autre facilité offerte par la Mairie d’Istanbul, toujours au service de son public.
◦ Synthèse: L’affiche présente une certaine adéquation, une certaine “harmonie” entre ses composantes. Le message visé présente lui aussi un discours basé sur l’attrait des kiosques, muni de référents qui répondent aux attentes du public: beautés, beautés imaginables, beautés inattendues... En quête d’une identité conforme aux kiosques, l’affiche rend ces derniers des lieux de plaisir, d’élégance et de privilège tout en les transformant en des “mythes” et en des “marques”.
Finalement, l’éventail des services offerts en réalité par la Mairie d’Istanbul via BELTUR est visualisé sur l’affiche, avec en surplus des informations qui accompagnent le message iconographique, considérées utiles pour le public: il s’agit d’une affiche à visée informative.
2.2.2. İDO
◦ Préambule et approche intuitive: L’affiche est composée d’une image photographique, d’un slogan, d’une accroche, d’un texte descriptif, de signes numéraux et de logos. Il s’agit d’un design attrayant qui vise informer le public et créer la notion de marque également chez le public.
◦ Message visuel: Cette image photographique émancipe chez le lecteur des émotions telles que l’enthousiasme, la solitude, la mélancolie par l’utilisation des couleurs et des techniques photographiques. L’ambiance floue représentée sur l’affiche référe à la notion de “songe”, avec néanmoins l’idée d’une certaine richesse imaginaire.
La personne assise au bord de la mer regarde, seule, l’horizon. Cette passion révèle chez le lecteur des référents tels que “attentes”, “séparations”, “retrouvailles”, “espérances” et simultanément l’envie d’être à sa place donc une certaine identification.
Le message visuel transmet d’autre part un autre référent; celui de l’été. La mer, le coucher du soleil, la plage, la personne à moitié nue en témoignent.
Le message visuel est séparé du message linguistique par le signe iconographique “navire” qui sous-tend en réalité la société İDO. La mise en place de ce signe sur l’affiche –regard tourné de la personne vers la droite; navire qui donne l’impression d’aller en direction de la droite- reflète l’idée de pouvoir aller via İDO au delà de l’horizon, aussi loin que l’on désire et peut être prise comme “signature” ou bien “seconde signature” puisque la signature est placée sur toutes les affiches en bas sur la bande bleue. Ce qui signifie que İDO est le seul moyen de réaliser vos rêves d’été. Avec toutes les composantes du message visuel (la mer, la plage, le coucher du soleil, etc...). İDO s’avère le seul transport maritime qui permet aux Istanbuliotes de vivre pleinement toutes les beautés offertes par celui-ci.
IDO Û toutes les beautés
◦ Message linguistique: Le slogan “tout coeur attend son voyageur” possède la caractéristique de sensibiliser l’espace photographique. La personne est métaphoriquement comparée à un coeur, à tous les coeurs qui attendent leurs bien-aimé(e)s: le “voyageur”est ainsi connoté en tant la personne aimée, la personne dont on guête le retour. Et İDO promet d’être le seul moyen qui unirait les amants.
L’accroche développe la notion d’attente exprimée dans slogan: “İDO vous unit à ceux que vous aimez” Il en ressort une certaine bilatéralité. İDO vous rejoint à celui ou à celle que vous aimez, soit il vous y emmène soit il vous l’emmène! En outre le dernier syntagme du texte descriptif accentue “le bonheur de voyager en İDO” et la valeur attribuée par celui-ci à ses clients: pour İDO, tous ceux qui voyagent à son bord sont des amis, des personnes qui partagent les mêmes sentiments, ceux éprouvés lors des retrouvailles. Or, loin de ces référents qui rendent l’affiche, une photographie bien romantique, le message linguistique sous-tend en réalité les caractéristiques des ferry-boats de İDO: “vitesse”, “plaisir”, confiance”, “reduction du trajet”, “économie de temps”.
En dernier lieu, le message linguistique placé sur fond blanc présente les horaires, donc un choix multiple de trajets et d’heures de départ et d’arrivée, toujours au service du public Istanbuliote, assuré par la Mairie d’Istanbul via İDO.
◦ Synthèse: L’affiche relie deux notions: un discours sentimental et IDO; elle transmet une certaine densité symbolique au niveau de la personne-voyageur. Nous remarquons que IDO désire se faire une marque dans le secteur maritime car lorsqu’on voyage en bateau, IDO est le seul moyen auquel nous recourons: IDO est signe de “plaisir”, de “confiance” et de “vitesse”. Il s’agit d’une affiche informative: le message visuel ne fait que refléter une ambiance romantique chez le lecteur, pour l’inciter ensuite à lire le message linguistique et à s’informer sur les alternatives que lui sont offertes par IDO: aucun moyen de s’y échapper, on aura sûrement décidé sur l’une d’elles.
2.2.3. ULAŞIM A.Ş.
◦ Préambule et approche intuitive: L’affiche est composé d’images photographiques, d’un slogan, d’une accroche et de lexèmes qui présentent une diversité visuelle à première approche. Il s’agit d’un désign dynamique; dynamisme assuré par la diversité de couleurs, de graphèmes et de signes iconographiques. Au signe iconographique “métro” est attribué des référents tels que “loisirs”, “plaisir”, “dynamisme”...
◦ Message visuel: Les transitions et les transpositions entre les colorèmes rouge, bleu et vert incitent le lecteur vers différents systèmes de référents. Cet effet de lumière peut engendrer la peur, le tunnel d’épouvante, la peur de tunnel mais encore la “danse des lumières néon” qui crée une ambiance de parc forain avec toute une gamme de couleurs et de lumières qui jaillissent de partout, et qui réfèrent à la vie nocturne, aux divertissements du soir ou de nuit évoquant en réalité l’idée d’érotisme. Les graphèmes qui vont en decrescendo dans la même direction que le métro présentent une certaine facilité de lecture et en même temps la naïveté, la naturalité d’un programme et renvoient par le procédé technique de profondeur à l’infini.
L’utilisation de la couleur jaune, couleur d’or et de soleil autour des graphèmes les met en valeur afin de les accentuer sur l’affiche. Les carrés de cinéma placés verticalement à droite le long de l’affiche, assume la fonction artistique de celle-ci. Comme une sorte de notes bas de page, ces huit carrés paraissent être les messages visuels des léxèmes qui donnent l’impression de paraître et de disparaitre sur la bande filante.
◦ Message linguistique: Le slogane “le Métro sera avec vous en couleur’ qui signifie que le métro sera animé avec votre participation, complète le message iconographique de l’affiche. La notion de participation est fortifiée par l’accroche située sous la bande filante. L’accroche qui contient le syntagme “âmes participantes” incite les Istanbuliotes à se servir du métro comme moyen de transport urbain. Ce qui revient à dire également que le citadin est invité à participer en tant qu’individu à la vie sociale de la ville et en faire partie intégrante.
L’accroche signale dans cette optique, que le citadin qui prendrait le métro se verrait différencié voire envié; d’où la nouvelle identité attribuée au métro qui sera associée au nouveau mode de vie, à la vie moderne de la ville et à une vie beaucoup plus animée. L’accroche se termine avec le syntagme “nous vous attendons au métro d’Istanbul” et au-dessous un numéro de téléphone qui permettrait d’appeler au cas où...
Finalement les léxèmes sur la bande filante sont: la photographie, le théâtre, le cinéma, la sculpture, la peinture et la musique, donc les six domaines de l’art en général. L’affiche assume un autre rôle; celui de sensibiliser le lecteur-voyageur à l’Art. De cette intention, nous pouvons déduire que les stations de métro paraissent être les lieux où l’Art se manifeste pleinement devant son public sans discrimination d’âge, de sexe ni de profession.
Il s’agit d’une affiche informative qui établit une relation entre le métro et l’Art, tout en attribuant au métro d’Istanbul une nouvelle identité, celle de mécène, celle où toute activité artistique prend place et rejoint ses spectateurs-voyageurs. Il en ressort que le métro n’est pas un moyen de transport souterrain qui étoufferait les voyageurs et qui leur ferait peur. Tout au contraire, le métro est un esspace animé et gai grâce à l’élégance et à la subtilité de l’Art. En conclusion, le métro est un nouvel espace de vie, un nouvel espace de la ville d’Istanbul.
◦ Synthèse: l’affiche de contenu informatif représentée par le thème “l’appel au Métro” se lie avec l’art et l’amusement et, à partir de cette approche, attribue aue Metro une identité nouvelle d’ordre artistique. Non seulement on transporte au métro les passagers, mais encore on y fait de l’art. Le Métro est donc un nouveau terrain et un nouvel espace de vie urbaine.
3. En guise de conclusion
Les publicités semblent à première approche cacher leurs signes sous leur structure superficielle même si elles constituent un système non-clos. Déchiffrer la structure sémantique de surface, interpréter le discours qu’elle renferme, s’introduire au niveau sémantique caché par les publicités sous leur structure profonde n’est plausible qu’en s’y intégrant. Nous avons au cours de l’analyse des trois affiches tenté de faire ainsi et de relever le discours commun aux trois affiches en guise d’exemples, susceptibles de représenter les 60 affiches au total analysées.
Il est vrai que chacune des affiches que nous avons recueillies dans notre corpus afin d’en faire une analyse -par la méthode écclectique que nous avons formulée, ayant pour base la méthode sémiotique- semble être le porte-parole de la Mairie d’Istanbul, de sa vision, de sa mission, de sa politique enfin de sa conception de “gouvernance”.
Ainsi, bien que les affiches analysées présentent des divergences sur le plan de “design” et elles, sur celui thématique, convergent sur des points ci-dessous:
Aucune des affiches n’est d’ordre “communication par le produit”; mais bien au contraire, elles sont toutes d’ordre “communication par l’univers du produit”, mieux dit “par l’univers du service offert”. Car le service est placé dans un univers séduisant, prestigieux... auquel le voyageur-consommateur prendra légèrement part en “consommant” le service. Le service annoncé sur les affiches est celui offert par la Mairie d’Istanbul via des sociétés anonymes; celle-ci consciente des responsabilités dont elle doit se charger et assumer, est dans l’effort de les partager avec son peuple en d’autres termes, dans l’effort d’assurer la participation active de son peuple, à toutes les activités qu’elle vise réaliser en ville: nouveautés, collectivités, réductions, offres, facilités, confort, qualité, sentimentalité, amitié, intimité, plaisir, confiance, gaieté, variétés de choix... qui mettent tous l’accent sur la valeur dédiée à l’homme de la ville.
Le discours des affiches fait place à des procédés rhétoriques: identification, métonymie, métaphore, allégorie, hyperbole... Le discours parait être net et concis pourtant la narrativité (langage poétique/langage narratif) utilise les procédés dénotatifs et connotatifs pour en créer une ambiance mystérieuse qui laisse au lecteur le soin d’être décrypté. Pourtant, il est vrai que la totalité des messages renferment des informations précises transmises par le biais d’une expression déclarative qui reflète une conception de fonctionnement assez “clair”, “transparent” et à visée “participative”. La Mairie d’Istanbul par l’éventail de service qu’elle offre au public, par le panorama de ses activités tente également de créer un atmosphère de confiance chez ce dernier.
Toutes les affiches accentuant “l’intérêt public”, “la responsabilité sociale”, “l’intérêt de la société/l’intérêt de la nation”, sont qualifiées d’“informatives”. Il ne s’agit point d’annonces mais plutôt d’affiches publicitaires qui promettent d’informer pleinement le public visé par un “design” non moins tout à fait simple mais séduisant, attrayant, animé et gai.
Dans le contexte de l’identité institutionnelle, l’image de “l’institution qui ne cesse de travailler” est présente sur toutes les affiches soit explicitement soit implicitement afin que le public visé saisisse sans aucun problème le référent “productivité” ou “labeur”, assuré par la répétition de l’identité existante. Cette intention peut être traduite dans la structure profonde du message en tant que “marque de l’institution”. Ainsi le référent “labeur” s’accompagne d’autres référents associatifs: la modernité, la nouveauté, la mise en valeur, la qualité, le développement, le succès, la fierté, la participation et le partage. Et lorsqu’on dit “marque de l’institution”, on doit entendre qu’il s’agit de la marque que la Mairie d’Istanbul se veut approprier et celles secondaires, celles des sociétés anonymes dépendantes de la Mairie qui, chacune, se veut être “une” marque dans leur domaine: BELTUR dans le domaine des restaurants et cafétérias, c’est-à-dire celui des kiosques, ULASIM A.S. dans celui du transport urbain souterrain, c’est-à-dire celui du métro et IDO dans celui du transport urbain maritime, c’est-à-dire celui du ferry-boat ou du bateau.
Les affiches ont pour but d’ouvrir de nouveaux horizons à l’espace urbain par les “annonces des services” offerts des institutions . Les marchés, les vitrines, les parcs, les passages, les bazaars donc de nouveaux espaces de vie s’articulent au service de l’homme de la ville et à la vie urbaine par l’intermédiaire des “design” des affiches. Ainsi, parallèlement à la qualité de la vie urbaine, “le mythe d’un pays de rêve moderne et postmoderne” et “la perfection dans le travail” se trouvent-ils concrétisés. La création d’un mythe qui réside dans la nature du message publicitaire est réalisée sur les affiches analysées, par la sanctification de la perfection dans le travail. Les coopérations dans l’institution, celles inter-institutionnelles, qui reflètent toutes la culture institutionnelle elle-même, les travaux en commun simultanément effectués, le partage et la participation, la clarté, la conception d’une transparence contrôlable au sein d’une gouvernance moderne témoignent de cette perfection. De meme, “la diversité dans la conception des services offerts”, “la recherche sans cesse du nouveau”, “les nouveaux horizons” reformulent “le mythe du service offert” et toutes les activités dans ce contexte notionnel s’appuient sur le fait de “services”.
Il est à remarquer que nous avons constaté lors de l’analyse que les affiches avaient, toutes fonction d’informer et de constituer une certaine identité institutionnelle tout en répondant aux besoins sociaux du people istanbouliote en les incitant à participer à la vie sociale de la ville, en tentant de combler leurs lacunes et en contribuant enfin à la présentation de la nation. Et ceci par des procédés linguistiques: l’ordre, le conseil et la demande. Les affiches, en outre, ne comportent pas de dessins, ni d’illustrations ou d’images en grande quantité, le message linguistique y est dominant et les jeux de mots traduisent l’intention des intéressés. Les référents utilisés aux niveaux linguistique et visuel tels que “confort”, “élitisme”, “élégance”, “splendeur”, “gloire”, “fabulation” reviennent sans cesse sur les afffiches. La Mairie d’Istanbul représentée par les sociétés anonymes, présente à travers les affiches les espaces de vie urbaine et ceci d’une manière imaginaire voire magique. Il s’agit dans cette optique d’une ville confortable, viable et heureuse où tout est facile à accéder, une ville dont le citadin doit jouir des occasions qui lui sont offertes et y prendre plaisir. Les référents “amitié”, “solidarité”, “fraternité”, “paix”, “gaieté”, “émotion”, “festival” paraissent en témoigner.
D’autre part, les affiches esthétiquement constituées par les moyens techniques de l’image fixe – photographies, typographie, couleurs, etc.- semblent demander la participation active du peuple istanbouliote tout en attirant son attention sur les services que lui offre la Mairie ; elles semblent demander également sa contribution pour ainsi dire son bien dans la vie sociale urbaine.
Du sport à la culture, des moyens de transports jusqu’à la distribution d’eau ou de gaz naturel, la Mairie se charge de tous les services. Conformément à la conception de gouvernance des sociétés anonymes, elle assume toutes les responsabilités dont celles-ci à elles seules ne peuvent pas se charger.
En conclusion, les affiches que nous avons analysées décrivent toutes la conception de service de la Mairie basée sur la participation polyphonique, civile, démocratique; et elles ont pour visée de mettre au jour les problèmes sociaux, de se pencher sur ces problèmes afin de les résoudre, de développer la conscience sociale et de faire acquérir au peuple istanbouliote le sentiment de faire partie intégrante de la ville. Le contentement du peuple istanbouliote est de prime importance pour la politique de la Mairie. Pour ce faire, nous saisissons, à travers les affiches que le discours qu’elle s’approprie pour offrir des services de qualité, des services qui se renouvellent et se développent sans cesse, sont toujours destinés au peuple istanbouliote.
En dernière analyse, parallèlement au principe de clarté et de transparence, le langage de la gouvernance urbaine est bien visible et lisible à travers les affiches de la Mairie. Il s’agit d’un langage net, précis, concis, non-ambiguë; un langage encodé de façon que tout le monde en ville puisse s’entendre. Il en ressort que “comprendre et se faire comprendre” telle serait la devise de la Maire d’Istanbul.
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VARDAR, Berke (sous la dir. de), Açıklamalı Dilbilim Terimleri Sözlüğü (Lexique de termes de Linguistique), İstanbul, ABC Yayınları, 1988.
VARDAR, Berke, Dilbilimin Temel Kavram ve İlkeleri (Notions-clés et principes de la Llinguistique ), Ankara, Türk Dil Kurumu Yayınları, 1982.
www.ibb.gov.tr. 27.05.2003.
YUCEL, Tahsin, Söylemlerin İçinden (A travers les discours), İstanbul, Yapı Kredi Yayınları, 1999.
* notion exprimée pour la première fois par des voies officielles, plus précisément par Kemal Dervis, ministre d’Etat de l’époque.
[1] le principe de ‘synchronie’ exige que l’objet d’etude soit tissé de faits actualisés dans un laps de temps et dans une situation donnée. Cf., Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1985, pp.141-193.
[2] André Martinet, Eléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin, 1980, p.31.
[3] ibid.
[4] Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Paris, Editions Gallimard, 1974, Tome II, p.18; voir en outre pour autres définitions du corpus, Jean Dubois, Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1991, p.128,129.
[5] Tahsin Yücel, Söylemlerin İçinden, Istanbul, Yapı Kredi Yayınları, 1999, p.9.
[6] Nilüfer Sarı , “Reklamı Üçleyelim!”, Gezici Reklam (Triplons La Publicité , La Publicité Sur Véhicules), İstanbul, Der Yayınları, 2003, (en publication), pp.15–20.
“L’objet dans l’organisation spatiale et l’embellissement des villes, là où la plupart da la population qui s’occupent du commerce, de l’industrie ou de la gestion et où donc les activités agricoles n’existent point, est nommé “mobilier urbain” tels que les bancs, les batiments, les poubelles, les autoroutes, les arcs, les places, les stades, les centres d’achats, le métro, les aéroports et les gares, les toilettes, les boites de nuits et les centres de loisirs.”
[7] BELTUR A.Ş., İDO A.Ş., IGDAS A.Ş., KÜLTÜR A.Ş., SPOR A.Ş., ULAŞIM A.Ş.
[8] En 1984, il s’agissait d’une nouvelle législation sur les structures de la municipalité metropolitaine (Grand Istanbul) regroupant quinze grands arrondissements. Grâce à ce decret au numéro 3030, en référence à la Gestion des Mairies Municipales, ces sociétés ont en fait pour but de développer leurs conceptions et leurs types de service, dont la plupart sont très jeunes telles que Kiptaş, Sağlık A.Ş, Ağaç A.Ş. Pour d’autres détails, cf., www.ibb.gov.tr. 27.05.2003; cf. également Kaynak Geliştirme ve İstirakler Daire Başkanlığı, Faaliyet ve Tanıtım Kıtabı, 2000.
[9] Comment fonctionne la publicité, (ouvrage collectif), IREP, 1995, p.34.
[10] F. De Saussure, Cours..., p.33.
[11] Berke Vardar (dir.), Açıklamalı Dilbilim Terimleri Sözluğü, Istanbul, ABC Yayınları, 1988, p.111.
[12] Fatma Erkman Akerson, Göstergebilime Giriş, Istanbul, Alan Yayıncılık, 1987, p.11; le principal détérminant des codes et des formes culturels est sans aucun doute la communication tout entière. Cf. Gül Batuş, “Neil Postman”, in Kadife Karanlık, İstanbul, Su Yayınları, 2003, p.283,284.
[13] H. Joannis, Le Processus de création publicitaire, Paris, Dunod Entreprise, 1991, p.134.
[14] Pour la grille méthodologique, Cf., Bernard Cocula, Claude Peyroutet, Sémantique de l'image Pour une approche méthodique des messages visuels, Paris, Libraire Delagrave, 1986, pp.110-112 et 134,135.
[15] C’est parce que “regarder, c’est décoder”. Ibid., p.3.
[16] le référent est, nous le définissons, ce que nous transmet un signe dans le monde réel (référent réel) ou dans le monde imaginaire (référent imaginaire). Par exemple; la mouette est le référent réel, mais le phénix est le référent imaginaire. Cf., Mehmet Rifat, Gösterge Eleştirisi, Istanbul, Kaf Yayıncılık, 1999, p.31; par ailleurs, la dénotation est une partie de qualité focale des traits pertinents se trouvant dans l’extension du concept indiqué par le signifiant et elle est invariable d’un contexte à l’autre. On le considère comme sens logique et objectif. Certains traits sémantiques dans le discours, portent une qualité d’ordre contextuel et engendrent la connotation, qui sont parfois subjectifs et individuels mais munis également d’une réalité sociale et culturelle. Berke Vardar, ibid., p.73.
[17] les logos designés dans de diverses formes –carrées, rondes, elliptiques, horizontales, verticales-, sont généralement construits de l’unification d’un nom de marque et d’un amblème qui est le symbôle visuel de la marque. Al Ries, Laura Ries, Marka Yaratmanın 22 Kuralı, trad. Atakan Özdemir, Ankara, MediaCat Kitapları, 2000, p.125. le logo est souvent le signifiant mixte transformé en pictogramme et ce qu’il représente est l’étendu symbolique et descriptif de la marque. Cf., Mete Çamdereli, “Çok İleri Giderek Bir ‘Mavi’ Afişi Okumak ya da Bir Reklam Afişinin Göstergebilimsel Çözümlemesi” (En exagérant, lire une affiche de “Mavi” ou Analyse sémiotique d’une affiche publicitaire), İletişim, 5, 2000, p.110.
[18] la mairie de ‘mère-urbain’ (ou ‘grand-ville’ par la traduction mot-à -mot de la langue turque) est une mairie suprême dans l’administration metropolitaine, qui réunit toutes les unités municipales d’une ville grande.
[19] Istanbul Büyükşehir Belediyesi, Kurum Kimliği Corporate Identity, Istanbul, Kültür A.Ş. Yayınları, sans date, p.8.
[20] on a decrété Humaniste et sa famille comme le caractère standard de la Mairie d’Istanbul et ses firmes dépendants, et pour le logo c’est l’Humanist 77 Black.. ibid., p.2.
[21] C. Cadette; R.Charles, J.-L. Galus: La Communication par l’image, Nathan, 1996, p.7.
0. Introduction
Dans cette optique, il est indéniable que dans les administrations locales où la culture de la démocratie est en jeu, la participation active du peuple à l’administration est désormais prioritaire conformément aux principes de la gouvernance. Dans ce processus de transformation globale, les administrations locales se sont vues obligées d’informer le public de leurs activités. C’est pourquoi, elles ont dû s’orienter davantage vers des activités basées sur “l’intercommunication” effectuée entre le peuple et l’administration locale.
Il s’agit en fait de la communication publicitaire qui se place au premier rang des activités communicationnelles des administrations locales. C’est dans cette visée que nous avons tenté d’analyser les affiches publicitaires de la Mairie d’Istanbul pour en déterminer d’une part sa conception administrative et d’autre part le discours qu’elle transmet via les affiches.
1. Corpus et méthode d’analyse
Chaque opération de description ou d’analyse synchronique[1] exige un objet d’étude bien limité et une méthode apte à analyser cet objet. Ainsi, “toute description sera acceptable à condition qu’elle soit cohérente, c’est-à-dire qu’elle soit faite d’un point de vue déterminé”[2] et chaque corpus à analyser découle d’un choix spécifique. Les segmentations au nombre suffisant susceptibles de représenter l’univers d’étude adéquates à la description exhaustive et recueillies de manière synchronique constituent le corpus, une fois constitué, étant considéré comme intangible[3].
Dans ce contexte le sémioticien possède comme objet d’étude un certain corpus[4] qui fonctionnerait en tant que base de données, et il passe ensuite à la description afin de déterminer le discours composé par ce faisceau de faits segmentés suivant la situation de communication et un laps de temps statique et limité. Par conséquent, le discours à caractère commun et spécifique peut être pris comme corpus, -qui de son côté est un outil de prime importance permettant de saisir les tendances de notre ère et de notre société- et ainsi peut être décrit et analysé par la méthode sémiotique[5].
1.1. Choix du corpus
Notre corpus comprend 60 affiches publicitaires composées et placées sur le mobilier urbain[6] (billboards, arrêts de bus, etc,...) entre 2000 et 2002 des six sociétés[7] liées au Bureau de Développement et de Ressources et de Participations (Kaynak Gelistirme ve Istirakler Dairesi) au sein de la Mairie d’Istanbul.
Il s’agit de sociétés anonymes[8], dont l’administration est autonome, qui élargit sa gamme de services suivant les besoins croissants du peuple istanbuliote. Ces sociétés exercent d’une part leurs propres activités publicitaires; d’autre part, elles modèlent directement l’identité institutionnelle de la Mairie d’Istanbul.
1.2. Cadre méthodologique
“La publicité n’est pas que communication; elle est surtout influence”[9]. Tout message publicitaire est un ensemble de signes manipulant les sentiments du public visé. Dans ce contexte, analyser les messages visuels de l’image fixe, c’est de déterminer les significations renfermées dans l’univers dynamique des signes.
Pour saisir le fonctionnement du message publicitaire, il faut sans aucun doute analyser le système des signes fondateurs du message en question. En d’autres termes, notre méthode d’analyse est l’analyse sémiotique qui se donne pour tâche de décrire “la vie des signes au sein de la vie sociale”[10], c’est-à-dire de décrire chaque signe en tant que “démontrant autre chose que soi car susceptible de remplacer cette autre chose”[11].
Adopter l’analyse sémiotique permet ainsi d’étudier la culture du point de vue de la communication[12]; ce qui permet également d’élucider la signification encodée dans un certain contexte et dans un certain saisi culturels. Il s’agit par conséquent d’adopter une certaine approche sémiotique mettant au jour les structures sémantiques au niveau du contenu.
“(...) simplicité dans le visuel et le message, force visuelle pour ressortir de la grisaille bariolée qu’est la rue, science de l’échelle visuelle pour savoir construire notre machine-à-guider-les-perceptions quelle que soit la distance (...)”[13], tels sont les mots-clés de la création de l’affiche. Dans cette perspective, notre analyse s’effectue à 4 niveaux et porte sur les soixante affiches composant notre corpus[14]:
- préambule et approche intuitive: on énuméra à ce niveau les unités structurales visuelles et linguistiques qui constituent l’affiche et on reflétera les premières impressions et réactions après le premier coup d’oeil, après le premier regard[15].
- message visuel: le plan du message visuel que nous avons segmenté en tant que l’un des deux niveaux d’analyse de l’affiche est formé d’éléments iconographiques. Notre but est d’expliciter les référents[16] dénotatifs et connotatifs de dits-éléments en relations réciproques, et ceci d’une manière tout-à-fait objective et impartiale.
- message linguistique: le plan du message linguistique, l’un des deux niveaux de notre analyse, portera sur la description des signes linguistiques tels que l’énoncé, la phrase, le texte en relations réciproques; et aura pour tâche d’expliciter les référents dénotatifs et connotatifs; analyse à caractère tout-à-fait objective et impartiale.
- synthèse: il s’agit à ce niveau d’aboutir à la déduction générale suite à la description et à l’évaluation.
Cette méthode d’analyse effectuée pour chacune des 60 affiches, regroupera en elle-même les synthèses recueillies; ce qui nous permettra de conclure sur les caractéristiques des messages publicitaires de la Mairie d’Istanbul.
2. Analyse
2.1. Analyse des signes communs
Avant de passer, à titre d’exemples, à l’analyse des 3 affiches publicitaires; nous considérons utile de préciser que deux signes visuels et linguistiques figurent dans la plupart des affiches, le slogan-porteur et le logo[17] transmettant le “discours-focus”.
2.1.1. Slogan porteur
Il a été observé que le syntagme “La Mairie[18] fonctionne...” figurait sur chaque message publicitaire quelque soit le moyen de transmission (document divers: la presse écrite, le hors-média, la communication institutionnelle...); les trois points de suspension renforçait en effet le monème verbal nu “fonctionne” reflété par le dit-syntagme. Ainsi, l’idée que la Mairie ne cesse de travailler que pour son public sous-entend des centaines de projets qu’elle a déjà mis en oeuvre et qu’elle promet de réaliser[19]. Il est à noter que la dimension et la couleur du slogan-porteur change en fonction de l’espace de l’affiche publicitaire sur lequel il doit figurer. Nous ne pouvons pas parler d’une standardisation quant au format du slogan-porteur; néanmoins à travers ce message nous comprenons que la Mairie est prête à assumer tous les projets à venir esquissés par toutes les sociétés qui lui sont dépendantes; ne serait-ce sa promesse.
Finalement, le slogan-porteur, par la place qu’il occupe sur l’affiche est perçu directement; il oriente le thème de l’affiche vers la Mairie ; il permet de focaliser l’attention sur la Mairie également et présente un message global présumant que la Mairie est en réalité “auteur” de tous les services publics en ville. Cette idée est d’ailleurs visualisée par le design du slogan-porteur: lettres blanches sur fond marbre marron, d’où signe de robustesse, de sériosité et de noblesse.
2.1.2. Logo
Le logo est composé d’un emblème qui à première vue ressemble à une mosquée et d’une partie graphémique[20] où le nom de la Mairie figure en lettres blanches capitales, le tout sur une bande horizontale de couleur bleue.
Nous remarquons que le logo assumant la fonction d’identité de marque occupe une place importante sur toutes les affiches: elle est visible et lisible au premier coup d’oeil grâce également aux caractéristiques des graphèmes: extra-gras et large comme un socle qui porterait tout le message.
L’emblème transmet trois référents:
1. L’historicité de la ville, une ville historique, une ville turco-ottomane par l’intermédiaire du symbôle traditionnel de la mosquée à 4 minarets et 4 coupoles.
2. Deux murailles qui arc-boutent chacun deux coupoles; tout un héritage culturel immense y est stylisé.
3. Sept triangles de couleur blanche qui représentent les 7 collines sur lesquelles Istanbul est situé.
Ainsi le slogan-porteur placé en haut à gauche et le logo, tout au long en bas de l’affiche encadrent bien le message et renvoient à la Mairie et ils sont placés conformément à la lecture Z de l’image: “l’oeil effectue un itinéraire qui part du point supérieur gauche puis balaie la surface de haut en bas et de gauche à droite”[21].
2.2. Analyse de trois affiches
2.2.1. BELTUR
◦ Préambule et approche intuitive: L’affiche est composée d’une image photographique, d’un slogan, d’une légende et de logos. Elle reflète le domaine d’activités de la société BELTUR.
◦ Message visuel: Les kiosques transposés munis de leurs détails architecturaux et prêts à être servis sur un plateau forment le thème principal du signe iconographique. Un verre plein de jus d’orange qui surgit du centre des kiosques et la main qui tient le bas du plateau accentuent la fonction assumée par le plateau lui-même.
Sur le plan dénotatif le “plateau” est un matériel qui permet de porter un ensemble de verres, de plats, de mets. Mais à part le sens dénotatif, l’affiche renferme également le sens connotatif du “plateau”: il s’agit d’offrir, un acte hospitalier renforcé par la position des doigts et de la main sous le plateau. L’attrait de l’image et du message visuel est assuré par le contenu du plateau qui s’unit avec le slogan. Ce qu’on demande au public c’est de s’approprier des kiosques comme s’ils leur appartenaient, message visuel qui va de pair avec celui linguistique transmis par la transformation au niveau de la fonction du plateau.
D’autre part, si nous regardons l’affiche de bien loin, nous avons l’impression que sur fond couleur claire, il s’agit d’un arbre séculaire, un arbre qui date des siècles et qui témoigne donc de l’historicité de la ville d’Istanbul. Ce témoignage est-il renforcé par la présence des kiosques qui datent eux aussi au moins d’une centaine d’années. Tous les signes renvoient finalement comme on pouvait s’y attendre, aux référents “solidité”, “robustesse” et “perpétuité”.
La présence du verre plein de jus d’orange pluralise le menu parmi lequel on peut choisir ce que l’on désire manger et boire. La présence du verre n’est pas fortuite car elle symbolise d’un côté l’idéologie de la Mairie qui préfère offrir à son public des boissons non-alcoolisées et d’un autre côté l’appétit -couleur orangée utilisée surtout dans les restaurants. La position de la main est également à remarquer car elle symbolise à son tour l’élégance; donc dans un de ces kiosques, le public se sentira privilégié du service de haute qualité qui lui sera offert et il prendra sans aucun doute plaisir de s’y être. En outre, les référents d’“élégance” et de “privilège” sont doublés sémantiquement par la tenue du garçon qui tient le plateau: chemisier blanc à manches longues et veston.
Finalement, le message visuel qui centralise les kiosques d’Istanbul permet au lecteur de saisir la différence entre ce qui est un simple bâtiment (un restaurant, un bistrot, un prêt-à-manger...) et une “maison” de haut rang qui, en réalité, est figure de “culture kiosquale”.
En dernier lieu, au plaisir, à l’élégance et au sentiment d’être privilégié ressenti par le public consommateur s’ajoute un autre référent; celui de “facilité de paiement”. Les figures des cartes de crédits au bas de l’affiche renvoient également aux référents cités ci-dessus.
◦ Message linguistique: Le slogan “ces kiosques sont les vôtres...” est d’une part le titre du message iconographique et d’autre part la justification linguistique du message visuel. Le slogan en renfermant des référents tels que l’hospitalité et l’amitié, offre toutes les beautés imaginables dans ces kiosques “au service” des clients: ainsi, le concept “ à votre service – à votre disposition” y est reflété tant par le message visuel que par le message linguistique. L’adjectif démonstratif “bu” (“ces”) exprime en réalité la totalité des kiosques et peut être pris comme l’adjectif indéfini “tous”. Ce qui revient à dire:
ces kiosques = tous les kiosques,
non seulement ceux que Beltur vous offre mais aussi tous ceux que la Mairie d’Istanbul met à la disposition de son public.
Le plaisir et le privilège de pouvoir vivre dans ces kiosques et toutes les beautés auxquelles on peut s’attendre est sous-entendu grâce aux trois points de suspension.
Les léxèmes “restoran & kafeterya” (restaurant & cafétéria) considérés comme “accroche” désigne la possibilité qu’a le public de choisir parmi ces kiosques et dans ces kiosques le choix est multiple: self-service, service à table, en outre choix du menu, etc...
Il est intéressant de remarquer que sur le plateau “sept” kiosques sont placés avec chacun, au-dessous leurs noms et leurs coordonnées. Ainsi, le lecteur-consommateur n’a nullement besoin d’aller chercher ailleurs puisque tout est indiqué sur l’affiche: une autre facilité offerte par la Mairie d’Istanbul, toujours au service de son public.
◦ Synthèse: L’affiche présente une certaine adéquation, une certaine “harmonie” entre ses composantes. Le message visé présente lui aussi un discours basé sur l’attrait des kiosques, muni de référents qui répondent aux attentes du public: beautés, beautés imaginables, beautés inattendues... En quête d’une identité conforme aux kiosques, l’affiche rend ces derniers des lieux de plaisir, d’élégance et de privilège tout en les transformant en des “mythes” et en des “marques”.
Finalement, l’éventail des services offerts en réalité par la Mairie d’Istanbul via BELTUR est visualisé sur l’affiche, avec en surplus des informations qui accompagnent le message iconographique, considérées utiles pour le public: il s’agit d’une affiche à visée informative.
2.2.2. İDO
◦ Préambule et approche intuitive: L’affiche est composée d’une image photographique, d’un slogan, d’une accroche, d’un texte descriptif, de signes numéraux et de logos. Il s’agit d’un design attrayant qui vise informer le public et créer la notion de marque également chez le public.
◦ Message visuel: Cette image photographique émancipe chez le lecteur des émotions telles que l’enthousiasme, la solitude, la mélancolie par l’utilisation des couleurs et des techniques photographiques. L’ambiance floue représentée sur l’affiche référe à la notion de “songe”, avec néanmoins l’idée d’une certaine richesse imaginaire.
La personne assise au bord de la mer regarde, seule, l’horizon. Cette passion révèle chez le lecteur des référents tels que “attentes”, “séparations”, “retrouvailles”, “espérances” et simultanément l’envie d’être à sa place donc une certaine identification.
Le message visuel transmet d’autre part un autre référent; celui de l’été. La mer, le coucher du soleil, la plage, la personne à moitié nue en témoignent.
Le message visuel est séparé du message linguistique par le signe iconographique “navire” qui sous-tend en réalité la société İDO. La mise en place de ce signe sur l’affiche –regard tourné de la personne vers la droite; navire qui donne l’impression d’aller en direction de la droite- reflète l’idée de pouvoir aller via İDO au delà de l’horizon, aussi loin que l’on désire et peut être prise comme “signature” ou bien “seconde signature” puisque la signature est placée sur toutes les affiches en bas sur la bande bleue. Ce qui signifie que İDO est le seul moyen de réaliser vos rêves d’été. Avec toutes les composantes du message visuel (la mer, la plage, le coucher du soleil, etc...). İDO s’avère le seul transport maritime qui permet aux Istanbuliotes de vivre pleinement toutes les beautés offertes par celui-ci.
IDO Û toutes les beautés
◦ Message linguistique: Le slogan “tout coeur attend son voyageur” possède la caractéristique de sensibiliser l’espace photographique. La personne est métaphoriquement comparée à un coeur, à tous les coeurs qui attendent leurs bien-aimé(e)s: le “voyageur”est ainsi connoté en tant la personne aimée, la personne dont on guête le retour. Et İDO promet d’être le seul moyen qui unirait les amants.
L’accroche développe la notion d’attente exprimée dans slogan: “İDO vous unit à ceux que vous aimez” Il en ressort une certaine bilatéralité. İDO vous rejoint à celui ou à celle que vous aimez, soit il vous y emmène soit il vous l’emmène! En outre le dernier syntagme du texte descriptif accentue “le bonheur de voyager en İDO” et la valeur attribuée par celui-ci à ses clients: pour İDO, tous ceux qui voyagent à son bord sont des amis, des personnes qui partagent les mêmes sentiments, ceux éprouvés lors des retrouvailles. Or, loin de ces référents qui rendent l’affiche, une photographie bien romantique, le message linguistique sous-tend en réalité les caractéristiques des ferry-boats de İDO: “vitesse”, “plaisir”, confiance”, “reduction du trajet”, “économie de temps”.
En dernier lieu, le message linguistique placé sur fond blanc présente les horaires, donc un choix multiple de trajets et d’heures de départ et d’arrivée, toujours au service du public Istanbuliote, assuré par la Mairie d’Istanbul via İDO.
◦ Synthèse: L’affiche relie deux notions: un discours sentimental et IDO; elle transmet une certaine densité symbolique au niveau de la personne-voyageur. Nous remarquons que IDO désire se faire une marque dans le secteur maritime car lorsqu’on voyage en bateau, IDO est le seul moyen auquel nous recourons: IDO est signe de “plaisir”, de “confiance” et de “vitesse”. Il s’agit d’une affiche informative: le message visuel ne fait que refléter une ambiance romantique chez le lecteur, pour l’inciter ensuite à lire le message linguistique et à s’informer sur les alternatives que lui sont offertes par IDO: aucun moyen de s’y échapper, on aura sûrement décidé sur l’une d’elles.
2.2.3. ULAŞIM A.Ş.
◦ Préambule et approche intuitive: L’affiche est composé d’images photographiques, d’un slogan, d’une accroche et de lexèmes qui présentent une diversité visuelle à première approche. Il s’agit d’un désign dynamique; dynamisme assuré par la diversité de couleurs, de graphèmes et de signes iconographiques. Au signe iconographique “métro” est attribué des référents tels que “loisirs”, “plaisir”, “dynamisme”...
◦ Message visuel: Les transitions et les transpositions entre les colorèmes rouge, bleu et vert incitent le lecteur vers différents systèmes de référents. Cet effet de lumière peut engendrer la peur, le tunnel d’épouvante, la peur de tunnel mais encore la “danse des lumières néon” qui crée une ambiance de parc forain avec toute une gamme de couleurs et de lumières qui jaillissent de partout, et qui réfèrent à la vie nocturne, aux divertissements du soir ou de nuit évoquant en réalité l’idée d’érotisme. Les graphèmes qui vont en decrescendo dans la même direction que le métro présentent une certaine facilité de lecture et en même temps la naïveté, la naturalité d’un programme et renvoient par le procédé technique de profondeur à l’infini.
L’utilisation de la couleur jaune, couleur d’or et de soleil autour des graphèmes les met en valeur afin de les accentuer sur l’affiche. Les carrés de cinéma placés verticalement à droite le long de l’affiche, assume la fonction artistique de celle-ci. Comme une sorte de notes bas de page, ces huit carrés paraissent être les messages visuels des léxèmes qui donnent l’impression de paraître et de disparaitre sur la bande filante.
◦ Message linguistique: Le slogane “le Métro sera avec vous en couleur’ qui signifie que le métro sera animé avec votre participation, complète le message iconographique de l’affiche. La notion de participation est fortifiée par l’accroche située sous la bande filante. L’accroche qui contient le syntagme “âmes participantes” incite les Istanbuliotes à se servir du métro comme moyen de transport urbain. Ce qui revient à dire également que le citadin est invité à participer en tant qu’individu à la vie sociale de la ville et en faire partie intégrante.
L’accroche signale dans cette optique, que le citadin qui prendrait le métro se verrait différencié voire envié; d’où la nouvelle identité attribuée au métro qui sera associée au nouveau mode de vie, à la vie moderne de la ville et à une vie beaucoup plus animée. L’accroche se termine avec le syntagme “nous vous attendons au métro d’Istanbul” et au-dessous un numéro de téléphone qui permettrait d’appeler au cas où...
Finalement les léxèmes sur la bande filante sont: la photographie, le théâtre, le cinéma, la sculpture, la peinture et la musique, donc les six domaines de l’art en général. L’affiche assume un autre rôle; celui de sensibiliser le lecteur-voyageur à l’Art. De cette intention, nous pouvons déduire que les stations de métro paraissent être les lieux où l’Art se manifeste pleinement devant son public sans discrimination d’âge, de sexe ni de profession.
Il s’agit d’une affiche informative qui établit une relation entre le métro et l’Art, tout en attribuant au métro d’Istanbul une nouvelle identité, celle de mécène, celle où toute activité artistique prend place et rejoint ses spectateurs-voyageurs. Il en ressort que le métro n’est pas un moyen de transport souterrain qui étoufferait les voyageurs et qui leur ferait peur. Tout au contraire, le métro est un esspace animé et gai grâce à l’élégance et à la subtilité de l’Art. En conclusion, le métro est un nouvel espace de vie, un nouvel espace de la ville d’Istanbul.
◦ Synthèse: l’affiche de contenu informatif représentée par le thème “l’appel au Métro” se lie avec l’art et l’amusement et, à partir de cette approche, attribue aue Metro une identité nouvelle d’ordre artistique. Non seulement on transporte au métro les passagers, mais encore on y fait de l’art. Le Métro est donc un nouveau terrain et un nouvel espace de vie urbaine.
3. En guise de conclusion
Les publicités semblent à première approche cacher leurs signes sous leur structure superficielle même si elles constituent un système non-clos. Déchiffrer la structure sémantique de surface, interpréter le discours qu’elle renferme, s’introduire au niveau sémantique caché par les publicités sous leur structure profonde n’est plausible qu’en s’y intégrant. Nous avons au cours de l’analyse des trois affiches tenté de faire ainsi et de relever le discours commun aux trois affiches en guise d’exemples, susceptibles de représenter les 60 affiches au total analysées.
Il est vrai que chacune des affiches que nous avons recueillies dans notre corpus afin d’en faire une analyse -par la méthode écclectique que nous avons formulée, ayant pour base la méthode sémiotique- semble être le porte-parole de la Mairie d’Istanbul, de sa vision, de sa mission, de sa politique enfin de sa conception de “gouvernance”.
Ainsi, bien que les affiches analysées présentent des divergences sur le plan de “design” et elles, sur celui thématique, convergent sur des points ci-dessous:
Aucune des affiches n’est d’ordre “communication par le produit”; mais bien au contraire, elles sont toutes d’ordre “communication par l’univers du produit”, mieux dit “par l’univers du service offert”. Car le service est placé dans un univers séduisant, prestigieux... auquel le voyageur-consommateur prendra légèrement part en “consommant” le service. Le service annoncé sur les affiches est celui offert par la Mairie d’Istanbul via des sociétés anonymes; celle-ci consciente des responsabilités dont elle doit se charger et assumer, est dans l’effort de les partager avec son peuple en d’autres termes, dans l’effort d’assurer la participation active de son peuple, à toutes les activités qu’elle vise réaliser en ville: nouveautés, collectivités, réductions, offres, facilités, confort, qualité, sentimentalité, amitié, intimité, plaisir, confiance, gaieté, variétés de choix... qui mettent tous l’accent sur la valeur dédiée à l’homme de la ville.
Le discours des affiches fait place à des procédés rhétoriques: identification, métonymie, métaphore, allégorie, hyperbole... Le discours parait être net et concis pourtant la narrativité (langage poétique/langage narratif) utilise les procédés dénotatifs et connotatifs pour en créer une ambiance mystérieuse qui laisse au lecteur le soin d’être décrypté. Pourtant, il est vrai que la totalité des messages renferment des informations précises transmises par le biais d’une expression déclarative qui reflète une conception de fonctionnement assez “clair”, “transparent” et à visée “participative”. La Mairie d’Istanbul par l’éventail de service qu’elle offre au public, par le panorama de ses activités tente également de créer un atmosphère de confiance chez ce dernier.
Toutes les affiches accentuant “l’intérêt public”, “la responsabilité sociale”, “l’intérêt de la société/l’intérêt de la nation”, sont qualifiées d’“informatives”. Il ne s’agit point d’annonces mais plutôt d’affiches publicitaires qui promettent d’informer pleinement le public visé par un “design” non moins tout à fait simple mais séduisant, attrayant, animé et gai.
Dans le contexte de l’identité institutionnelle, l’image de “l’institution qui ne cesse de travailler” est présente sur toutes les affiches soit explicitement soit implicitement afin que le public visé saisisse sans aucun problème le référent “productivité” ou “labeur”, assuré par la répétition de l’identité existante. Cette intention peut être traduite dans la structure profonde du message en tant que “marque de l’institution”. Ainsi le référent “labeur” s’accompagne d’autres référents associatifs: la modernité, la nouveauté, la mise en valeur, la qualité, le développement, le succès, la fierté, la participation et le partage. Et lorsqu’on dit “marque de l’institution”, on doit entendre qu’il s’agit de la marque que la Mairie d’Istanbul se veut approprier et celles secondaires, celles des sociétés anonymes dépendantes de la Mairie qui, chacune, se veut être “une” marque dans leur domaine: BELTUR dans le domaine des restaurants et cafétérias, c’est-à-dire celui des kiosques, ULASIM A.S. dans celui du transport urbain souterrain, c’est-à-dire celui du métro et IDO dans celui du transport urbain maritime, c’est-à-dire celui du ferry-boat ou du bateau.
Les affiches ont pour but d’ouvrir de nouveaux horizons à l’espace urbain par les “annonces des services” offerts des institutions . Les marchés, les vitrines, les parcs, les passages, les bazaars donc de nouveaux espaces de vie s’articulent au service de l’homme de la ville et à la vie urbaine par l’intermédiaire des “design” des affiches. Ainsi, parallèlement à la qualité de la vie urbaine, “le mythe d’un pays de rêve moderne et postmoderne” et “la perfection dans le travail” se trouvent-ils concrétisés. La création d’un mythe qui réside dans la nature du message publicitaire est réalisée sur les affiches analysées, par la sanctification de la perfection dans le travail. Les coopérations dans l’institution, celles inter-institutionnelles, qui reflètent toutes la culture institutionnelle elle-même, les travaux en commun simultanément effectués, le partage et la participation, la clarté, la conception d’une transparence contrôlable au sein d’une gouvernance moderne témoignent de cette perfection. De meme, “la diversité dans la conception des services offerts”, “la recherche sans cesse du nouveau”, “les nouveaux horizons” reformulent “le mythe du service offert” et toutes les activités dans ce contexte notionnel s’appuient sur le fait de “services”.
Il est à remarquer que nous avons constaté lors de l’analyse que les affiches avaient, toutes fonction d’informer et de constituer une certaine identité institutionnelle tout en répondant aux besoins sociaux du people istanbouliote en les incitant à participer à la vie sociale de la ville, en tentant de combler leurs lacunes et en contribuant enfin à la présentation de la nation. Et ceci par des procédés linguistiques: l’ordre, le conseil et la demande. Les affiches, en outre, ne comportent pas de dessins, ni d’illustrations ou d’images en grande quantité, le message linguistique y est dominant et les jeux de mots traduisent l’intention des intéressés. Les référents utilisés aux niveaux linguistique et visuel tels que “confort”, “élitisme”, “élégance”, “splendeur”, “gloire”, “fabulation” reviennent sans cesse sur les afffiches. La Mairie d’Istanbul représentée par les sociétés anonymes, présente à travers les affiches les espaces de vie urbaine et ceci d’une manière imaginaire voire magique. Il s’agit dans cette optique d’une ville confortable, viable et heureuse où tout est facile à accéder, une ville dont le citadin doit jouir des occasions qui lui sont offertes et y prendre plaisir. Les référents “amitié”, “solidarité”, “fraternité”, “paix”, “gaieté”, “émotion”, “festival” paraissent en témoigner.
D’autre part, les affiches esthétiquement constituées par les moyens techniques de l’image fixe – photographies, typographie, couleurs, etc.- semblent demander la participation active du peuple istanbouliote tout en attirant son attention sur les services que lui offre la Mairie ; elles semblent demander également sa contribution pour ainsi dire son bien dans la vie sociale urbaine.
Du sport à la culture, des moyens de transports jusqu’à la distribution d’eau ou de gaz naturel, la Mairie se charge de tous les services. Conformément à la conception de gouvernance des sociétés anonymes, elle assume toutes les responsabilités dont celles-ci à elles seules ne peuvent pas se charger.
En conclusion, les affiches que nous avons analysées décrivent toutes la conception de service de la Mairie basée sur la participation polyphonique, civile, démocratique; et elles ont pour visée de mettre au jour les problèmes sociaux, de se pencher sur ces problèmes afin de les résoudre, de développer la conscience sociale et de faire acquérir au peuple istanbouliote le sentiment de faire partie intégrante de la ville. Le contentement du peuple istanbouliote est de prime importance pour la politique de la Mairie. Pour ce faire, nous saisissons, à travers les affiches que le discours qu’elle s’approprie pour offrir des services de qualité, des services qui se renouvellent et se développent sans cesse, sont toujours destinés au peuple istanbouliote.
En dernière analyse, parallèlement au principe de clarté et de transparence, le langage de la gouvernance urbaine est bien visible et lisible à travers les affiches de la Mairie. Il s’agit d’un langage net, précis, concis, non-ambiguë; un langage encodé de façon que tout le monde en ville puisse s’entendre. Il en ressort que “comprendre et se faire comprendre” telle serait la devise de la Maire d’Istanbul.
* notion exprimée pour la première fois par des voies officielles, plus précisément par Kemal Dervis, ministre d’Etat de l’époque.
[1] le principe de ‘synchronie’ exige que l’objet d’etude soit tissé de faits actualisés dans un laps de temps et dans une situation donnée. Cf., Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1985, pp.141-193.
[2] André Martinet, Eléments de linguistique générale, Paris, Armand Colin, 1980, p.31.
[3] ibid.
[4] Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, Paris, Editions Gallimard, 1974, Tome II, p.18; voir en outre pour autres définitions du corpus, Jean Dubois, Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1991, p.128,129.
[5] Tahsin Yücel, Söylemlerin İçinden, Istanbul, Yapı Kredi Yayınları, 1999, p.9.
[6] Nilüfer Sarı , “Reklamı Üçleyelim!”, Gezici Reklam (Triplons La Publicité , La Publicité Sur Véhicules), İstanbul, Der Yayınları, 2003, (en publication), pp.15–20.
“L’objet dans l’organisation spatiale et l’embellissement des villes, là où la plupart da la population qui s’occupent du commerce, de l’industrie ou de la gestion et où donc les activités agricoles n’existent point, est nommé “mobilier urbain” tels que les bancs, les batiments, les poubelles, les autoroutes, les arcs, les places, les stades, les centres d’achats, le métro, les aéroports et les gares, les toilettes, les boites de nuits et les centres de loisirs.”
[7] BELTUR A.Ş., İDO A.Ş., IGDAS A.Ş., KÜLTÜR A.Ş., SPOR A.Ş., ULAŞIM A.Ş.
[8] En 1984, il s’agissait d’une nouvelle législation sur les structures de la municipalité metropolitaine (Grand Istanbul) regroupant quinze grands arrondissements. Grâce à ce decret au numéro 3030, en référence à la Gestion des Mairies Municipales, ces sociétés ont en fait pour but de développer leurs conceptions et leurs types de service, dont la plupart sont très jeunes telles que Kiptaş, Sağlık A.Ş, Ağaç A.Ş. Pour d’autres détails, cf., www.ibb.gov.tr. 27.05.2003; cf. également Kaynak Geliştirme ve İstirakler Daire Başkanlığı, Faaliyet ve Tanıtım Kıtabı, 2000.
[9] Comment fonctionne la publicité, (ouvrage collectif), IREP, 1995, p.34.
[10] F. De Saussure, Cours..., p.33.
[11] Berke Vardar (dir.), Açıklamalı Dilbilim Terimleri Sözluğü, Istanbul, ABC Yayınları, 1988, p.111.
[12] Fatma Erkman Akerson, Göstergebilime Giriş, Istanbul, Alan Yayıncılık, 1987, p.11; le principal détérminant des codes et des formes culturels est sans aucun doute la communication tout entière. Cf. Gül Batuş, “Neil Postman”, in Kadife Karanlık, İstanbul, Su Yayınları, 2003, p.283,284.
[13] H. Joannis, Le Processus de création publicitaire, Paris, Dunod Entreprise, 1991, p.134.
[14] Pour la grille méthodologique, Cf., Bernard Cocula, Claude Peyroutet, Sémantique de l'image Pour une approche méthodique des messages visuels, Paris, Libraire Delagrave, 1986, pp.110-112 et 134,135.
[15] C’est parce que “regarder, c’est décoder”. Ibid., p.3.
[16] le référent est, nous le définissons, ce que nous transmet un signe dans le monde réel (référent réel) ou dans le monde imaginaire (référent imaginaire). Par exemple; la mouette est le référent réel, mais le phénix est le référent imaginaire. Cf., Mehmet Rifat, Gösterge Eleştirisi, Istanbul, Kaf Yayıncılık, 1999, p.31; par ailleurs, la dénotation est une partie de qualité focale des traits pertinents se trouvant dans l’extension du concept indiqué par le signifiant et elle est invariable d’un contexte à l’autre. On le considère comme sens logique et objectif. Certains traits sémantiques dans le discours, portent une qualité d’ordre contextuel et engendrent la connotation, qui sont parfois subjectifs et individuels mais munis également d’une réalité sociale et culturelle. Berke Vardar, ibid., p.73.
[17] les logos designés dans de diverses formes –carrées, rondes, elliptiques, horizontales, verticales-, sont généralement construits de l’unification d’un nom de marque et d’un amblème qui est le symbôle visuel de la marque. Al Ries, Laura Ries, Marka Yaratmanın 22 Kuralı, trad. Atakan Özdemir, Ankara, MediaCat Kitapları, 2000, p.125. le logo est souvent le signifiant mixte transformé en pictogramme et ce qu’il représente est l’étendu symbolique et descriptif de la marque. Cf., Mete Çamdereli, “Çok İleri Giderek Bir ‘Mavi’ Afişi Okumak ya da Bir Reklam Afişinin Göstergebilimsel Çözümlemesi” (En exagérant, lire une affiche de “Mavi” ou Analyse sémiotique d’une affiche publicitaire), İletişim, 5, 2000, p.110.
[18] la mairie de ‘mère-urbain’ (ou ‘grand-ville’ par la traduction mot-à -mot de la langue turque) est une mairie suprême dans l’administration metropolitaine, qui réunit toutes les unités municipales d’une ville grande.
[19] Istanbul Büyükşehir Belediyesi, Kurum Kimliği Corporate Identity, Istanbul, Kültür A.Ş. Yayınları, sans date, p.8.
[20] on a decrété Humaniste et sa famille comme le caractère standard de la Mairie d’Istanbul et ses firmes dépendants, et pour le logo c’est l’Humanist 77 Black.. ibid., p.2.
[21] C. Cadette; R.Charles, J.-L. Galus: La Communication par l’image, Nathan, 1996, p.7.
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